Depuis plus de vingt ans maintenant, les pays sahéliens d'Afrique de l'ouest et centrale sont soumis à une sévère sécheresse qui se traduit par des déficits pluviométriques importants. Les travaux de Nicholson et ceux de Hubert et Carbonnel, en particulier, ont permis de caractériser l'apparition du phénomène à la fin des années 1960 et au début des années 1970, ainsi que son intensité. Plus au sud, dans des régions d'Afrique aux climats plus humides, la sécheresse semble se faire également ressentir. Ses répercussions sont généralement moins sévères car la ressource en eau y reste relativement abondante. Elles ont néanmoins, là aussi, des conséquences dommageables tant du point de vue de l'environnement que de celui des différents secteurs d'activité économique.
L'extension régionale et l'intensité de cette variabilité climatique dans les zones dites humides, au sens large, et situées au sud du 14 parallèle ont été étudiées à l'aide d'un ensemble de méthodes alliant représentations cartographiques et procédures statistiques de détection de ruptures dans les séries chronologiques. Les données de pluviométrie journalière, mensuelle et annuelle des seize pays concernés par l'étude (du Sénégal à la Centrafrique et du Mali au Cameroun) ont été analysées en mettant l'accent sur la période 1950-1989.
La cartographie des résultats de l'analyse des séries
chronologiques entre la décennie 1950 et la décennie 1980
(cf. Fig. 1) montre une tendance au glissement des isohyètes vers
le sud/sud-ouest. Cette évolution traduit une diminution nette et
généralisée de la pluviométrie annuelle sur
l'ensemble de l'Afrique de l'ouest et centrale non sahélienne:
Dès la décennie 1970, la zone à pluviométrie
inférieure à 1200 mm s'est étendue vers le sud. Cette
tendance s'est encore accrue durant la décennie 1980 au cours de
laquelle cette zone couvrait près des deux tiers de la région
étudiée.
Jusqu'à la fin des années 1960, l'isohyète 1600
mm était caractéristique d'une pluviométrie moyenne
en zone forestière. Dès les années 1970, cette correspondance
n'était plus systématiquement vérifiée. Cette
baisse de la pluviométrie en zone de forêt s'est encore accentuée
durant la décennie 1980.
Les régions à forte pluviométrie (plus de 2000
mm par an) sont en nette régression, allant même jusqu'à
disparaître en certains endroits.
Pour mieux caractériser l'hétérogénéité
spatiale et temporelle de cette variabilité pluviométrique,
on a utilisé l'indice pluviométrique déjà employé
par Nicholson :
(xi -* x) / s
avec xi : hauteur annuelle précipitée
l'année i au poste considéré
*x : hauteur moyenne annuelle précipitée sur la période
1950/1989 au poste considéré
s : écart-type des hauteurs annuelles précipitées
sur la période 1950/1989 au poste considéré.
On retient, par décennie, une valeur moyenne de l'indice
pour chacun des postes pluviométriques considérés.
La cartographie des courbes d'isovaleurs qui en résulte est une
cartographie d'" intensité " de déficit ou d'excès
pluviométrique (cf. Fig. 2). Elle révèle parfaitement
le contraste entre la période 1950-1969, d'une part, et la période
1970-1989, d'autre part. L'hétérogénéité
du phénomène, tant le long d'un axe nord-sud que d'un axe
est-ouest, apparaît comme une de ses principales caractéristiques.
En règle générale, les différentes
procédures statistiques de détection de ruptures appliquées
aux séries de hauteurs annuelles précipitées soulignent
l'existence d'une rupture survenue à la fin des années 1960
ou au début des années 1970, et donc en phase avec ce qui
a été observé au Sahel. Les déficits pluviométriques
correspondants sont ici de l'ordre de 20% et atteignent parfois des valeurs
supérieures à 25%.
Compte tenu des longues séries chronologiques de données disponibles, qui remontent parfois au début du siècle, la sécheresse observée en Afrique depuis maintenant près de vingt cinq ans apparaît comme la plus longue et la plus sévère. Et ce, bien que des périodes sèches et humides se soient succédées à plusieurs reprises, sans que l'on puisse, toutefois, parler de cycles. Il est probable que certaines activités humaines aient contribué à accentuer le phénomène. A titre d'exemple, la surexploitation de la forêt dans bon nombre de régions bordant l'Océan atlantique et le Golfe de Guinée a très certainement participé à accroître les déficits pluviométriques.
Dans ces régions humides d'Afrique tropicale, tous les
secteurs reposant sur la disponibilité des ressources en eau sont
aujourd'hui fortement pénalisés par cette diminution des
précipitations (agriculture, alimentation des retenues, production
hydroélectrique, etc.). En outre, les effets de cette variabilité
climatique peuvent se révéler très dommageables sur
le plan de l'environnement, en ce sens qu'ils modifient les données
d'un équilibre déjà souvent mis à mal par ailleurs
(pression anthropique et déforestation par exemple).
| Contact : Eric Servat, Hélène Niels-Lubes, Jean-Emmanuel Paturel - ORSTOM, Programme FRIEND AOC, 06 BP 1203, Cedex 1, Abidjan, Côte d'Ivoire |
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